Création 2020
Écriture et mise en scène : Hélène ARNAUD
Création dans la cadre du report du Festival Ah?
Il était une fois des amoureux. Une dizaine de couples, deux acteurs et un musicien au plateau.
Cela se passe après « ils furent heureux ».
Ils eurent ou n’eurent pas d’enfants.
Peu importe.
C’était devenu difficile.
Ennuyeux, ou frustrant, ou douloureux.
C’était devenu impossible.
Parce que vivre l’harmonie amoureuse, cela arrive vraiment rarement, on court tous après cela.
Mais au fond,
cela n’existe peut-être que dans les contes de fée ?
Le plateau est nu. Un plan de feu très simple. Pas de conduite lumière.
C’est le vide médian entre les acteurs qui m’intéresse. Dans l’espace vide, la distance entre les corps, le mouvement des corps, tantôt enlacés, tantôt éloignés, nous parlent des rapports amoureux et des divers degrés de confrontation physique avec l’autre.
En contrepoint du texte, qui est structuré en 14 tableaux, une partition physique exigeante, parfois chorégraphiée, nous donne à explorer, de manière non exhaustive, des situations qui mettent en scène des couples très différents.
Ces situations, nous les avons sans doute chacun déjà traversées, d’une manière ou d’une autre, ou frôlées, ou rêvées. Les acteurs nous les restituent dans un jeu épuré, sincère, parfois cinématographique. Ils sont équipés de micros, pour permettre une immersion plus grande du public. Le son joue un rôle très important dans cette expérience théâtrale. La musique est donnée en live sous forme d’un continuum. Le musicien est mobile, témoin énigmatique et en lien avec le public, il est envisagé comme un coryphée. Les instruments (contrebasse, saxophone baryton, guitare électrique) ne sont pas là pour commenter, illustrer, accompagner. Ils nous murmurent en creux ce que les mots ne révèlent pas.
Tu me promets qu’on fera l’amour au moins trois fois par semaine?
Oui, je te le promets.
Même quand tu seras fatigué? Même quand tu seras de mauvaise humeur?
Oui, même quand je serai fatigué. Même quand je serai de mauvaise humeur.
On le fera encore même quand on sera vieux?
Oui.
Tu m’aimeras plus que les autres? Plus que toutes celles que tu as aimées avant?
Oui.
Tu m’emmèneras à Florence?
Oui, je t’emmènerai à Florence. On prendra le train de nuit.
On ne se fâchera pas?
Non, on ne se fâchera pas.
Jamais?
Non, jamais.
Interprètes :
Sylvie PETEILH
Fabien CASSEAU
Mathieu LEMAIRE
Compositions musicales :
Mathieu LEMAIRE
Chansons :
Hélène ARNAUD
Ingénieur son :
Géry COURTY
Régie générale :
Julien PÉRIGNON
Le Théâtre de l'Esquif
Co-production :
Remerciements :
Ecrire sur le couple quand on a la quarantaine et qu’on est une femme, lorsqu’on est, comme beaucoup, séparée du père de ses enfants, quand on a expérimenté différentes aventures sans trouver de réel équilibre, c’est d’abord revisiter sa propre histoire. C’est mettre en culture les bonheurs et les échecs, les espoirs et les déceptions.
J’ai échangé avec de nombreux couples. Nous nous sommes raconté nos histoires. Elles ont des conclusions et des ressorts différents bien sûr, mais que de points communs entre toutes! Ce qui revient très souvent, et ce qui me touche particulièrement, c’est la faculté que nous avons, hommes ou femmes, homo ou hétérosexuels, à dissoudre une part de soi dans l’autre. Une part plus ou moins importante selon les cas.
Comme si l’amour, c’était laisser une part de soi. Parfois, certains en viennent à s’oublier totalement. Ils renoncent, souvent sans s’en rendre compte, à des choses très personnelles. A des occupations solitaires, à des rencontres, à des élans... Alors ils se mettent à fabriquer des mensonges, ou du silence, ou de la rancune. Ils n’arrivent pas toujours à mettre un terme à leur union. Ou ils tardent à le faire. Dans le pire des cas, ils vont même jusqu’à fabriquer de la haine, de la violence, des coups.
Ils se créent des obligations, s’agrippent au passé, veulent correspondre à un modèle juste, s’inventent des responsabilités, se collent comme les grives les ailes dans la glu.
Ils arrêtent de voler. Voilà ce qui leur arrive.
C’est cela que je veux raconter, en résonance avec notre époque, où les couples se défont plus souvent qu'avant, et où chaque personne veut sans doute se réaliser de façon plus personnelle, sur tous les aspects de sa vie, et notamment de sa vie amoureuse. Il n’y a rien de triste là-dedans. Au contraire. Nous nous reconnaissons, nous sommes tous dans le même bateau, et cela peut même nous faire rire.
Nous donner de l’air un peu. Nous permettre de questionner nos propres insatisfactions, en toute légèreté.
Et peut-être, pourquoi pas, de réinventer des trajets possibles vers le bonheur conjugal…
Photographe : Xavier CANTAT